Éditorial 17, vol. 2- L’AFRIQUE : LANGUES, LITTERATURES, POLITIQUE ET INTERCULTURALITÉ

En intitulant ce numéro Arts et Littérature d’Afrique : récits, discours, images, notre objectif est mettre en valeur la diversité de la richesse artistique et littéraire africaines, conscients de la relativité de notre entreprise : l’Afrique est un continent vaste, culturellement pluriel et riche d’un millier de langues.

Ce second volume du dix-septième numéro de la revue Legs et Littérature est spécifiquement consacré à la littérature, au roman et à la poésie notamment. Il couvre plusieurs pays africains essentiellement francophones, à savoir : le Congo (2 articles), la Guinée, le Gabon, le Cameroun (2 articles), le Mozambique, la Côte d’Ivoire (3 articles), le Togo, le Sénégal, le Maroc et la République CentrAfricaine (RCA).

Avant d’aborder les principales problématiques, nous estimons qu’il serait intéressant de donner une idée sur les thèmes traités dans ce numéro en rapport avec les pays signalés[1]ci-dessus :

Dans le premier article, intitulé « Pour une théorie de la dictature dans La vie et demie de Sony Labou Tansi et Le Cercle des tropiques d’Alioum Fantouré »couvrant la République de Guinée et le Congo, Rodrigue Boulingui nous propose d’élaborer une théorie de la dictature à travers les deux œuvres signalées dans le titre de sa communication. En étudiant les romans du congolais Sony Labou Tansi et du guinéen Alioume Fantouré, il analyse le point de vue des auteurs relativement à la réalité politique de leurs pays. Pour Boulingui, la littérature n’est plus simplement un moyen d’évasion, mais un outil politique puissant, un atelier de pensée qui permet de réfléchir sur le vivre ensemble et questionne l’évolution politique des sociétés postcoloniales francophones.

Dans l’article suivant de Dorel Obiang Nguema, « Poétiser la révolte dans Rêve mortel de Benicien Bouschedy », il sera question de poésie et de révolte au Gabon : à travers le long poème de Benicien Bouschedy, Rêve mortel, représentant la nouvelle génération de la poésie contemporaine gabonaise, Dorel Obiang Nguema expose la révolte de cet écrivain contre tout ce qui empêche la jeunesse d’Afrique en général, celle du Gabon en particulier, de réaliser ses rêves, et contre les dirigeants au pouvoir qui, selon Benicien Bouschedy, anéantissent les rêves des peuples et les transforment en désillusion. Cette poésie engagée, contestataire et révolutionnaire est résolument optimiste, elle idéalise la révolte pour proposer à la jeunesse africaine une espérance nouvelle et la voie par excellence qui les libérera du joug de la servitude.

Relativement au Cameroun, Gisèle Piebop dénonce, à travers son texte, « Ressources traditionnelles et religieuses au secours d’une société camerounaise prise dans l’étau de l’aliénation », l’acculturation et l’aliénation savamment entretenus par le colonialisme afin de saper l’identité culturelle camerounaise, au point que les citoyens camerounais sont devenus étrangers dans leur propre milieu naturel selon Piebop. Cette dernière suggère d’aller à la reconquête d’une fondation culturelle solide permettant au Cameroun de relever les défis de la mondialisation.

L’article de Salima Khattari s’intéresse au Mozambique, le seul pays relatif à l’Afrique du Sud-Est présent dans ce second volume de la revue Legs et Littérature. Son article intitulé « Mia Couto : un état des lieux de l’État postcolonial du Mozambique » propose une réflexion solide et bien construite relativement aux notions de pouvoir et de violence, en rapport avec la réalité politique postcoloniale du pays, dans le roman de Mia Couto : Le Dernier vol du Flamant.

La Côte d’Ivoire, pays bien présent dans ce numéro à travers trois papiers, a intéressé Victor Essono Ella. Dans son article, « L’autochtonie africaine bafouée durant l’exploitation coloniale dans La Carte d’identité de Jean-Marie Adiaffi et Les Soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma », on retrouve le thème de l’autochtone étranger dans son propre pays[2]. On y trouve des thématiques interculturelles (identité/altérité ; violence/paix…). Dans ces deux romans, et selon Victor Essono Ella, les personnages ne sont nulle part en situation d’autochtonie, et vivent donc dans l’insécurité permanente. L’étranger, ce n’est plus l’autre, venu de l’extérieur, c’est l’autochtone qui se sent étranger chez lui. Il clame sans cesse son attachement à la terre natale, mais vit en étranger partout, en ville comme au village.

Dans un registre différent, toujours en rapport avec la Côte d’Ivoire, Adou Bouatenin proposera une réflexion intelligente, détaillée et complexe relativement à deux concepts identitaires, l’ivoirité et l’ivoironie, à travers l’œuvre poétique d’Eugène Dervain, Une vie lisse et cruelle, en prenant en considération la dimension idéologique relative à ces deux notions.

Concernant le Togo, il sera question de littérature féminine ; Komi Seexonam Amewu donnera lieu à une « Analyse néo-romanesque d’Antibes de Corinne d’Almeida » ; dans ce nouveau roman togolais, s’inspirant du Nouveau-Roman français, seront déconstruites les notions désormais classiques (récit, histoire, personnage…).

Faisant écho avec l’article d’Abdoulaye Sall[3], le 8ème article de ce second volume, relatif au Congo, traite du thème suivant : « Les représentations de la femme dans Le Chercheur d’Afriques (1990) et Dossier classé (2002) d’Henri Lopes » ; Ndèye Maty Paye y souligne que l’écrivain congolais Henri Lopes fait de la femme congolaise un personnage central dans ses deux romans et nous propose une analyse minutieuse du portrait féminin chez l’auteur : la représentation de la femme se révèle être plurielle, subissant la guerre des sexes, et même si sa beauté est exaltée, son statut est constamment interrogé.

En rapport avec le Congo et le Sénégal, nous retrouvons la même préoccupation féminine. L’article de Bénédith Léonie Tiébou, « Le discours des personnages féminins au regard de la tradition et de la religion. Une lecture de  de Gaston-Paul Effa et Une si longue lettre de Mariama Bâ », adopte un point de vue original en analysant le discours féminin des personnages romanesques. Dans ces deux romans africains, la religion et la tradition seraient aliénantes pour la femme camerounaise et sénégalaise selon l’auteur.

Dans une optique interlinguistique appliquée à un corpus littéraire, le Nouveau Roman en Côte d’Ivoire, Céline Omo Koffi s’intéressera aux emprunts et interférences linguistiques entre la langue française, le français populaire ivoirien (le Nouchi) et les langues maternelles ivoiriennes (l’Agni, le Baoulé, le Bété…) dans son article intitulé : « Déconstruction narrative et « formatting » linguistique dans la littérature africaine d’expression française : une implication narratologique à l’ère du temps. Cas du nouveau roman ivoirien ».

Une analyse linguistique sera également adoptée dans l’article suivant, « Transmission et sauvegarde d’une langue en danger – l’amazighe – au Maroc et chez la diaspora marocaine en France », dans lequel Radi Sami traitera de la langue Amazigh au Maroc, où c’est la langue maternelle de 28% de la population, et en diaspora, en France surtout où elle est utilisée par deux millions d’Amazighs marocains. Suite à une enquête quantitative collectée auprès de 120 informateurs, Radi Sami fera des constats intéressants.

Dans le douzième article intitulé « Les modalisateurs : stratégie de la vulnérabilité chez Calixthe Beyala. Le cas de La petite fille du réverbère et La Plantation », en rapport avec le Cameroun, Sango Rose Djuehou analysera les deux romans de l’écrivaine Calixthe Beyala, en adoptant la perspective stylistique, celle de la génétique stylistique de Léo Spitzer, en s’intéressant au marquage lexical, au transfert de classe grammaticale et à la charge connotative des noms propres.

Quant au dernier article, « Des stratégies diégétiques de la barbarie esclavagiste dans Le Dernier survivant de la caravane d’Étienne Goyémidé » de Pierre Suzanne Eyenga Onana, il traitera la thématique de l’esclavage qui a fait couler beaucoup d’encre. En adoptant la démarche sociocritique d’Edmond Cros, il prendra en considération le génotexte (mode d’inscription de l’Histoire dans le texte) et le phénotexte (l’esthétique à l’œuvre dans le récit), en nous donnant en dernier lieu le point de vue de cet écrivain de la République CentrAfricaine (RCA), Étienne Goyémidé, sur l’esclavage.    

Ce numéro de Legs et littérature se propose donc de réfléchir sur l’Afrique, cette notion à la fois complexe à définir et à délimiter, pour essayer d’en cerner les contours. Il offre aussi, et surtout, des pistes de recherche pour (re)penser les Arts et les littératures d’Afrique au regard des textes, des images, des croyances, des imaginaires et toutes autres formes de représentations.

Réda BEJJTIT, Ph.D

 

[1] Nous considérons les articles selon l’ordre adopté dans ce 17ème numéro de la revue Legs et Littérature.

[2] Thème relatif également au Cameroun, dans le troisième article de Gisèle Piebop.

[3] Voir l’article intitulé « La prégnance du réinvestissement mythique dans Le Temps de Tamango[3] et Le Cavalier et son ombre[3] de Boubacar Boris Diop », dans le premier volume de ce 17ème numéro de la revue Legs et Littérature.

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