L’on se souvient encore de cette boutade de Gide dans son essai sur Dostoïevski : « C’est avec les beaux sentiments qu’on fait de la mauvaise littérature ». L’œuvre d’art n’est pas une question de moralité. Même avec les meilleures intentions, l’écrivain ou l’artiste est capable du pire. Cela dit, l’étiquette d’écrivain ne saurait être servie de carte d’identité. Ce serait méconnaître la fonction de la création, par ricochet de la littérature, qui n’est autre qu’ « une façon de (se) sentir mieux » (Claude Roy) ou « de [se] nous sentir essentiels par rapport au monde » (Sartre). D’où la parole de l’écrivain disant la rumeur du monde. Une parole dont la fonction sociale, « [c’]est précisément de transformer la pensée » (Barthes).
Dans « La réponse de Kafka », Barthes écrit que l’écrivain est comme un artisan qui fabriquerait sérieusement un objet compliqué sans savoir selon quel modèle […], car l’acte littéraire est sans cause et sans fin (Essais critiques : 139). Du coup me vient à l’esprit l’interrogation suivante : est-on écrivain pour arpenter le monde ? Dire aux autres qu’on est capable d’écrire dans telle langue ou de telle façon ? Comme ces petits merdeux de chez nous qui, un beau matin, décident d’abandonner l’école pour se gaver d’alcool, de sexe et de cigarettes dans les bars de la capitale pour se dire « écrivain » !
Je pense à cet écrivain de la génération Mémoire, ce surveillant attaché à la création littéraire, qui eut à dire un jour que bon nombre de ceux qui se prennent pour tel sont en quête de statut social. Il n’avait peut-être pas tout à fait tort si l’on considère la configuration de « l’espace littéraire » de nos jours. Être écrivain ici est une carte à la paresse. Pour preuve : la pléiade « d’esprits impurs » de cette nouvelle génération dotée d’imaginaire stérile.
Il suffit de faire dans les « sms » ou dans « l’informel » pour s’attirer cette épithète, ô combien salutaire ! Se lever dès « la première vague du jour » avec Néruda dans la main droite en se faisant « prisonnier [e] d’un rêve » « à contre destin », et ceci, sans « l’ombre d’un doute ».
L’écriture n’est pas un jeu à pile ou face.
Dieulermesson Petit Frère