Ceux qui ont mal lu ou n’ont jamais lu Bourdieu, voire Parsons, ne comprendront jamais qu’un « champ » ou un « système », quel qu’il soit, est un espace de domination et de conflits et que, par-là, il est régi par des lois et des codes propres : les lois du « milieu » par analogie à la « chambre du milieu ». Ils ne comprendront pas que la société est un « espace de différences ». Qu’il y a une dynamique des champs. Ce qui fait qu’ « à chaque position correspondent des présuppositions, une doxa […] (et que) c’est aux agents sociaux de s’ajuster aux propriétés objectives du champ à l’intérieur duquel ils fonctionnent (car) l’esthétique populaire se définit (toujours) par rapport aux esthétiques savantes» (Bourdieu).
S’agissant du champ littéraire, comment donc s’ajuster ? Par la lecture. Implicitement Le capital culturel et le capital social. Parce que la culture, comme lieu de rejet des luttes sociales, procure l’assurance d’une ouverture d’esprit. Ce par quoi l’on est capable de s’élever au-dessus de la mêlée. J’ai le dégoût du facile. De la bêtise et de l’ignorance arrogante, ces sottes vertus qui empêchent les imposteurs de prendre conscience de leurs (basses) conditions.
Dans sa Chronique de la dérive douce, Dany Laferrière écrit ceci: « Chaque fois que je tiens un livre dans ma main je me sens rassuré […] ». Comme pour dire que la lecture est une histoire d’amour entre un livre et un lecteur dont seul le silence possède la clé. Un vice impuni, selon Valéry Larbaud. Aussi faut-il « Assimiler ses [vos] lectures en relisant avec des yeux plus avertis » (J. P. Mars), de peur qu’elles ne deviennent « un nouveau crime qui [vous] attira de nouveaux châtiments » (Rousseau).
Comment faire de la littérature si l’on ne dispose pas du temps pour lire ? Si l’on ne fait que regarder le temps passer à travers des bouteilles de bière et dans la fumée des cigarettes ? Quel écrivain deviendra-t-on à cet effet ? C’est Pennac qui dit que « le temps de lire, comme le temps d’aimer, dilate le temps de vivre ». Alors lisons pour vivre !
Peut-on être lecteur et avoir le ventre plus gros que les yeux ?
Dieulermesson Petit Frère