Au revoir cher Frank !

Dans un discours prononcé en 1960 devant l’assemblée de l’UNESCO, l’écrivain et anthropologue malien Amadou Hampâté Bâ affirme qu’« En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle », en référence au rôle phare de la tradition orale dans la culture africaine. Gardien de l’histoire et de la culture africaines, le vieillard est, par essence, dans l’imaginaire africain, un symbole de la sagesse, de l’humilité et une réserve de savoirs.

Avec le décès de l’immense écrivain haïtien Frankétienne survenu le jeudi 20 février 2025 à l’âge de 89 ans, c’est tout un pan de l’histoire et de la culture haïtiennes qui s’en va. Auteur du premier roman haïtien en langue créole, Dezafi, paru en 1975 en plein cœur de la dictature Duvalier pour dénoncer, de manière voilée, le totalitarisme et l’arbitraire, Frankétienne est à Haïti ce que José Lezama Lima est à Cuba et Pablo Neruda au Chili. À propos du roman, Jean Jonassaint souligne dans la postface de la traduction anglaise réalisée par Asselin Charles que c’est :

un texte d’une grande puissance poétique et profondément ancré dans les traditions narratives populaires haïtiennes et la poétique de la langue[1].

Pour sa part, Asselin Charles mentionne dans son introduction que Dezafi est :

peut-être le plus important du canon Frankétienne eu égard à sa signification historique en tant que premier roman publié en Kreyòl haïtien, d’une part, et pour son originalité conceptuelle et stylistique, d’autre  part[2].

Artiste total capital, comme il se plaît à le dire, pour évoquer son immensitude, son œuvre se veut un grand chant d’amour à la vie paysanne, populaire, prolétaire et urbaine haïtiennes.

Frankétienne, une immensitude !

L’équipe de LEGS ÉDITION salue sa mémoire et renouvelle ses sincères sympathies à sa famille, ses ami.e.s et à toute la communauté littéraire éplorée par son départ.

Dieulermesson Petit Frère

[1] Jean Jonassaint, « On the English Translation of Dezafi », Frankétienne, Dezafi, A Novel translated by Asselin Charles, Charlottesville & London, University of Virginia Press, 2018, p. 178. […a text that is a much more poetic and more profoundly rooted in popular Haitian narrative traditions and the poetics of the language]

[2] Asselin Charles, « Introduction », Frankétienne, Dezafi, A Novel translated by Asselin Charles, Charlottesville & London, University of Virginia Press, 2018, p. xi. […perhaps the most important in the franketienne canon for its historical significance as the first published novel un Haitien Kreyol, on the one hand, and for its conceptual and stylistic originality, on the other]

Pour en savoir plus, voir sa présentation sur Île en Île.