Auteur : Collectif (sous la direction de Sabine Lamour – Brown University/UEH, et Dieulermesson Petit Frère – LIS/UPEC)
Titre : Féminisme(s) et Littérature(s). Revue Legs et Littérature no 23
Collection : Revue Legs et Littérature
Date de parution : hiver 2025
S’il convient de faire l’inventaire des différents mouvements civils et politiques ayant marqué le 20e siècle, l’on ne saurait, en aucun cas, passer sous silence le féminisme. Même si l’historiographie[1] situe officiellement la naissance du mouvement vers les débuts du 19e siècle, nul n’empêche de remonter le cours de l’histoire de l’Antiquité grecque pour voir à travers le personnage Agnodice[2], dont l’histoire est une parfaite illustration du pouvoir de l’engagement des femmes dans la lutte contre la domination masculine, une figure pionnière. Concernant Haiti, les premières traces de comportement revendicatif s’assimilant au féminisme apparaissent dès 1791 au moment des bouleversements annonçant la révolution haïtienne[3]. On aurait pu passer en revue les différentes actions, engagements et combats menés par des femmes d’ici et d’ailleurs, à des époques différentes, pour se convaincre que la lutte contre l’invisibilisation et l’oppression féminine ne date pas d’hier.
Défini par Marie Thérèse Poitevin[4] comme « l’effort coalisé de la femme pour l’amélioration du sort de la femme », le féminisme a été, dès les premiers moments un mouvement contestataire ou d’émancipation politique. En Haïti, il a été « avant tout un mouvement d’amélioration sociale »[5] pour ensuite prendre la courbe politique avec la nomination et l’élection des femmes en 1957[6] et après la chute de la dictature des Duvalier où « l’année 1986 avait ouvert de nouvelles perspectives, en particulier celles de la reconstruction du lien politique. Dès ce moment, le mouvement féministe haïtien est revenu sur le devant de la scène »[7], après le long silence imposé par la dictature.
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Aussi ce nouveau numéro de Legs et Littérature entend-il interroger les dispositifs d’introduction et les stratégies d’opérationnalisation du discours féministe dans la littérature afin d’analyser la parole des femmes dans la fiction contemporaine. Il s’agit de chercher à (faire) comprendre ce que cette parole évoque et révèle de la condition des femmes et du monde. En quoi le féminisme a-t-il favorisé ou permis l’éclosion entre autres de nouvelles pratiques et théories littéraires ? Ou encore en quoi la littérature a contribué dans l’avancement du féminisme en tant qu’idéal politique ? À partir de réflexions priorisant des interprétations et examens en fonction d’approches pluridisciplinaires, les principaux axes et interrogations de ce numéro envisage d’explorer la question sous ses diverses formes et variantes.
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Notes :
[1] Cf. Geneviève Fraisse, « Féminisme. Histoire du féminisme », Encyclopédie Universalis, https://www.universalis.fr/encyclopedie/feminisme-histoire-du-feminisme/ [consulté le 7 janvier 2025].
[2] Dans la Grèce Antique, précisément à Athènes vers le 4e siècle avant J.-C., la loi interdisait les femmes et les esclaves le droit de devenir médecins ou sages-femmes. Contre toute attente, Agnodice a pu trouver le moyen d’enfreindre cette règle. En se travestissant en homme, elle a pu étudier et pratiquer la médecine jusqu’à obtenir sa notoriété et porter les législateurs à modifier la loi en levant l’interdiction. Cf. Hélène Soumet, Insoumises et conquérantes – Travesties pour changer le cours de l’Histoire, Paris, Dunod, 2021, pp. 82-88.
[3] Cf. Sabine Lamour, Les piliers stratégiques du féminisme haïtien, Keynote speaker, 36e colloque annuel de la Haitian Studies Association, New York, 11 octobre 2024.
[4] Marie Thérèse Poitevin. Le féminisme. Pouvoir noir en Haiti, Frantz Voltaire (dir.), Montréal, CIDIHCA, 1946, p. 313
[5] Madeleine Sylvain-Bouchereau, Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle, Port-au-Prince, Fardin, 1957, p. 87.
[6] Cf. Sabine Lamour, « Le 3 avril 1986 : expression d’une mésentente politique en Haïti : retour sur un élément de la mémoire indocile du mouvement féministe haïtien », Recherches féministes, vol. 35, no1, p. 60.
[7] Ibid., p. 60.
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