L’on a toujours tendance à assimiler la littérature à une activité gratuite, de rien du tout, qui n’aurait aucune utilité, à la limite, pratique. Pour parler comme les partisans de ceux qui croient que toute chose devrait avoir une fin pratique circonscrite dans l’immédiateté. Au cours de mes premières années d’études à l’ENS, ce discours a alimenté tous les débats à n’en plus finir. Aujourd’hui encore, des années après, l’on y revient avec une acuité certaine. Comme si la littérature serait de nos jours dans l’impasse et qu’il fallait, à tout prix, lui trouver une issue à cette crise dont elle l’est l’objet.
Alors, à la question « Que peut la littérature ? », Todorov répond en ces termes : « elle peut nous tendre la main quand nous sommes profondément déprimés, nous conduire vers les autres êtres humains autour de nous, nous faire mieux comprendre le monde et nous aider à vivre ». Autrement dit, elle permet à l’être de mieux appréhender le monde qui l’entoure, en ce sens qu’il n’est plus fermé sur lui-même. Elle propose des modèles par le biais des vécus évoqués dans les récits, les tranches de vie qu’elle met sous les yeux du lecteur.
La littérature rapproche. Fait tomber les murs, élimine les frontières pour nous mettre ensemble. En dépit des différences et des contradictions. Les œuvres littéraires charrient des pensées et des valeurs, car qu’on le veuille ou non, les écrivains parlent toujours de nous-même, nos aspirations, nos sentiments, nos rêves et tout ce par quoi nous sommes obsédés. Pour Sartre, la littérature est une « complicité », c’est « le miroir du monde » (Qu’est-ce que la littérature ?). Pour Paul Morelle, cité par Claude Roy, « les grandes œuvres [par ricochet, la littérature], doivent ajouter à la clarté du monde ». Et Barthes y voit « un guide de vie » (Le Neutre). Ce n’est pas sans raison que Danièle Salnave affirme que « sans les livres, toute vie est une vie ordinaire » (Le don des morts).
Dieulermesson Petit Frère