Donnons à César ce qui appartient à César

La transmission orale du savoir et du savoir-faire pose un sérieux problème : celui de sa transformation si ce n’est sa déformation. La littérature, à la fois savoir et savoir-faire, n’est pas la discipline la moins concernée. Je ne sais pas depuis combien d’années on attribue à Stendhal la fameuse formule « un roman : c’est un miroir qu’on promène le long du chemin ». On le répète dans des manuels littéraires, dans des articles critiques, voire lors des séances de cours sur le roman à l’Université. Ce que la critique marxiste appelle « la théorie du reflet » et d’autres critiques littéraire, « la métaphore du miroir », Stendhal ne se l’était pas appropriée.

Dans le chapitre 13 de la première partie de son roman  Le Rouge et le Noir, intitulé « Les bas à jour », Stendhal écrit en guise d’épigraphe « un roman : c’est un miroir qu’on promène le long du chemin ». L’auteur de La Chartreuse de Parme a pris le soin d’inscrire le nom de SAINT-REAL en dessous de la citation. Stendhal n’est donc pour rien si on lui attribue ci et là cette formule devenue la phrase-clé du roman réaliste au 19ème siècle. Si, dans la 2ème partie de Le Rouge et le Noir, précisément au chapitre 19, il reprend la formule, on ne peut en aucun cas la lui attribuer.

César Vichar de Saint-Réal est un écrivain français peu connu qui a vécu au 17ème siècle. Ce qui laisse croire que la métaphore du miroir ainsi dénommée, est moins récente qu’on le pense. Si les œuvres de César Vichar de Saint-Réal sont tombées depuis longtemps dans le domaine public, cela ne veut en aucun cas dire qu’il ne jouit pas d’un certain droit moral. Alors, donnons à César ce qui appartient à César !

Wébert Charles