Éditorial 2 – Y a-t-il une morale dans l’art ?

Interroger les sociétés, interroger l’Histoire. Qu’est-ce qui serait tabou et qu’est-ce qui ne le serait pas ? Où se situe la frontière entre érotisme et tabou ? S’affranchir du joug de l’interdit s’inscrit-il dans une dynamique déviante –donc hors normée– ou entend-il instaurer de nouveaux comportements ? Que peut la littérature face aux tabous sinon que de les mettre au cœur de notre quotidien en nous poussant à les briser ? Sachant que l’érotisme est une composante importante voire même une constante des littératures du monde, il serait intéressant de s’interroger sur l’usage que la littérature contemporaine fait de l’érotisme. Comment les écrivains ou plutôt les créateurs se déprennent des tabous sociaux et quel regard la société porte sur leurs œuvres ?

Nombreux sont les écrivains à avoir été attirés par l’érotisme. Autrement dit, la figure de l’Éros est présente dans presque toutes les littératures. Diderot ne s’est pas montré discret à ce sujet. Si Proust ne s’est pas du tout montré indifférent à cet égard, Apollinaire, de son côté, en a tiré onze mille exploits avec sa verge. Et ce n’est pas Depestre qui fera, plus tard, le contraire. Que de prières et de cantiques qu’il en a pu tirer du tréfonds de ses rêves dans les jardins d’Hadriana !

 Que dire de Jacques Stéphen Alexis avec ses personnages qui baisent à la belle étoile ou d’Adélina de Louis-Philippe Dalembert qui cherche un endroit pour baiser dans ce Port-au-Prince étouffé, surpeuplé. Quand ‘‘Sous les draps’’ de Ian McEwan, Lezama Lima érige un ‘‘Paradiso’’ pour le bonheur de ‘‘Guillaume et Nathalie’’ et que Lescouflair attire notre attention sur le fait que ‘‘Les femmes font l’amour’’, à forte dose de tendresse, n’est-ce pas vider le contenu de la boîte des passions et/ou pulsions ?

A cet effet, peut-on considérer l’érotisme comme transgression au point d’en faire un sujet tabou quand on se réfère aux bienfaits (heureux) de ‘‘l’art d’aimer ?’’ Le peintre mauricien Firoz Ganthy aime scandaliser, dit-il, pour s’affranchir de la morale sociale. Il croit que l’érotisation absolue peut aider le peintre à se battre contre les absurdités de la vie. La photographe hollandaise Carla Van de Puttelaar se voit comme une interprète des courbes amoureuses et ses portraits à haute intensité sensuelle sont très suggestifs.

Ce n’est pas sans raison qu’Ovide nous a mis entre les mains les principes élémentaires de la vie amoureuse. Aussi pourrait-on se demander, `À quoi sert le fait d’aimer quand il est pris dans le rétroviseur de la morale. Le besoin d’aimer fait-il bon ménage avec la pruderie ? Si oui, en quoi consiste alors l’utilité du Kama sutra ? C’est encore Ovide –l’auteur de l’art de l’amour et de la séduction- qui signale que ‘‘La pudeur interdit à la femme de provoquer certaines caresses, mais il lui est agréable de les recevoir quand un autre en prend l’initiative’’. Les paroles de la chanson La volupté de Patrick Fiori et Hélène Ségara, d’après la comédie musicale de Notre Dame de Paris, en disent long aussi. D’où l’interminable question : Y a-t-il une morale dans l’Art ?

Dieulermesson PETIT FRERE

Pour citer cet article : Dieulermesson Petit Frère, « Y a-t-il une morale dans l’art ? », Legs et Littérature no 2, 2013, pp. 3-4.

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