A la question pourquoi fait-on des poèmes, je répondrai par une autre question : pourquoi on n’en fait plus ? En effet, nous semblons avoir perdu délibérément l’art d’écrire de beaux poèmes non pas pour devenir de grands poètes, mais parce que ce que le poème, pûr création de l’esprit, nous dirait Reverdy, mais aussi de l’imaginaire, ne sert d’autre fin qu’à être. C’est Baudelaire qui disait que la poésie ne devrait pas servir d’autre cause que la sienne. Ceci est valable pour les différents chapeaux que la critique fait porter aux poèmes, mais encore plus pour le poète lui-même.
Barthes, dans Critiques et Vérités parlait à la fois avec justesse et justice de la mort de l’auteur. « L’écriture est destruction de toute voix», écrivait Barthes, y compris la sienne ajouterai-je.
Actuellement dans le milieu littéraire haïtien, nous assistons à un culte démesuré du poète, où des jeunes gens, qui souvent quittent les bancs de l’université, pour se clamer poète, en fréquentant des bars, entérinant ainsi une image depuis longtemps dépassée d’un poète maudit.
Ce qui est paradoxale, dans toute la foulée de poètes que nous connaissons, il y a si peu de poèmes. Pas un grand poème n’a émergé de cette pléiade de poètes. Les grands poèmes de la littérature haïtienne remontent quand même à quelques année.
À l’ère du culte démesuré du poète, ce qui semble compter pour le poète n’est point faire poème, mais faire poète. Cela marche parfois, pour des gens qui n’ont rien réussi à écrire, voire à publier. Le poème est mort, semblons dire, vive le poète.
Wébert Charles