Littérature haïtienne : l’indicible illusion

La littérature haïtienne vue du dehors, voilà ce dont il est question ici. L’énigme sur son existence a été longtemps résolue. Cette question ne se pose plus à présent. Mais qu’en est-il de sa présence hors des murs de la petite capitale ? Quelle relation entretient-elle avec les autres espaces de légitimation, donc les lieux de création ou de valorisation de cette chose « qui exprime l’ère nouvelle » (Chateaubriand) ? A-t-elle vraiment une vie hors de nos frontières ? Peut-on encore continuer à rêver du Nobel ?

Deux siècles de littérature. Il y a cinquante si l’on se demandait à quoi ressemblait la littérature haïtienne, l’on répondrait, sans langue de bois, aux Gouverneurs de la rosée, à notre Compère général soleil ou notre Amour, colère et folie de dire au monde la saveur épicée de ce petit bout de terre.

Aujourd’hui, en moins de vingt ans, la littérature haïtienne a eu un élan sans précédent. La floraison d’œuvres les unes plus comestibles que les autres, les distinctions distribuées çà et là auraient pu nous porter à conclure que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Non. Elle n’est pas pour autant lue ou connue comme on pourrait le croire.

Il y a environ un an, de passage dans deux villes de France, j’ai été chercher dans trois librairies un exemplaire du « Bicentenaire », peine perdue. À la bibliothèque Louis Nucéra de la ville de Nice, la directrice générale de me dire : « connais pas cet écrivain ». Alors qu’ici, l’on persiste à croire que notre littérature jouit d’une bonne presse à l’échelle internationale. Une vraie chimère, diriez-vous ! Certains auteurs haïtiens sont plutôt connus en France –dans quelques villes pour ne pas dire Paris. Dire que les écrivains haïtiens nés en terre étrangère ou qui y ont immigré sont bien côtés, oui. Que certains bénéficient d’une audience grâce à des professeurs, aux États-Unis surtout, qui ont choisi de parler de leurs créations dans leurs cours ou lors des colloques internationaux ! Cela est plus qu’évident.

Qu’en est-il de ce prix Nobel qui devient la hantise de notre écrivain en « voie de disparition », dont la grande partie de l’œuvre n’a été publiée qu’à compte d’auteur –donc quasiment inconnue des autres univers ?

Rien qu’une indicible illusion !

 

Dieulermesson Petit Frère