Auteur : Collectif (sous la direction de Mirline Pierre, LIS/UPEC)
Titre : Du Pouvoir de la Littérature et des Crises. Revue Legs et Littérature no 22
Collection : Revue Legs et Littérature
Illustration de couverture : Sergine André
ISBN : 978-99970-71-42-2
Date de parution : 21 mars 2025
avec le soutien de la Fondation connaissance et liberté (Fokal)
Les questionnements et réflexions autour de la fiction ne datent pas d’aujourd’hui. Ils sont tout à la fois d’une récurrence et d’une grande pertinence par leur manière de remuer le champ fictionnel en vue de trouver des approches définitionnelles capables d’amener vers un corpus de textes offrant une tentative de définition de la notion, sans pour autant l’enfermer dans une case. Quoique longtemps répétés dans l’histoire occidentale, ces problématiques autour de la fiction restent judicieuses dans les littératures contemporaines aussi bien dans les littératures postcoloniales car elles créent, d’une certaine manière, la base même de l’existence et du raisonnement autour de son art et son esthétique.
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Dans ce 22e numéro de Legs et Littérature, la notion de crise est associée à la littérature – donc la fiction – pour questionner le(s) pouvoir(s) de la littérature et ce qu’elle offre à entendre et à comprendre dans les périodes de troubles. Comme la fiction, la notion de crise[1] est instable puisqu’elle varie selon les champs disciplinaires. Pour le sociologue et philosophe Pierre Ansart, le terme renvoie à « une phase de tension, de malaise, de désordre ».[2] Son utilisation « s’entend à plusieurs niveaux économique, politique ou social, et il peut designer des phénomènes d’intensité variée »[3]. Très répandue et popularisé au 19e siècle dans quasiment tous les domaines, « il n’est pas de domaine ou de problème qui ne soit hanté par l’idée d’une crise (le capitalisme, la société, le couple, la famille, les valeurs, la jeunesse, la science, le droit, la civilisation, l’humanité) »[4]. Par ailleurs, l’on se souvient encore de la récente crise sanitaire provoqué par l’épidémie du Corona virus qui a secoué le monde en 2020 et le tollé soulevé par le drame au large de Lampedusa fin octobre 2013 dans la Méditerranée (crise des migrants). Utilisé dans divers champs de connaissance pour désigner des moments de trouble, de malaise dans l’organisme (médecine), de tension ou de dysfonctionnement dans l’organisation sociale (sociologie), de conflits ou de bouleversements dans la vie ou les relations politiques (géopolitique), la crise est aussi un concept, plus que jamais aujourd’hui, familier à la littérature.
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Ce numéro de Legs et Littérature qui se présente comme une traversée des mondes mettant en lien le pouvoir de la fiction en confrontation avec les crises sociétales offre, à travers les différentes études qui le composent, des outils pour aider à saisir les dynamiques et enjeux du monde contemporain et ceux du monde à venir. Les contributions mettent en lumière les contradictions qui (dé)font les sociétés et le déclin dans lequel elles se précipitent à trop vouloir ériger un humanisme anthropocentrique. Comment penser et vivre dans un monde aujourd’hui qui déchante et plus que jamais dominé par les violences de la guerre, les conflits géopolitiques opposant les puissances politiques et la quête effrénée pour le monopole des diverses sources de pouvoir où l’homme est devenu, dans une perspective hobbesienne, un véritable monstre ? Le panorama que présente ce volume est une invite sur la nécessité de (re)penser le (rapport au) monde et le devenir des sociétés à partir des (im)pouvoirs du texte littéraire à alerter et à modéliser les situations futures en nous poussant à réfléchir sur la complexité de l’existence et en accroissant la richesse du langage pour nommer la condition même de cette existence.
À propos de la directrice du numéro :
Détentrice d’une bourse de mérite de l’École Universitaire et de la Recherche, Francophonies et Plurilinguismes : Politique des Langues (EUR-FRAPP), Mirline Pierre prépare un doctorat en Lettres à l’Université Paris-Est Créteil sous la direction de la professeure Yolaine Parisot. Sa thèse, centrée sur les récits de « migrants » et les scènes d’exil, entend considérer l’exemplarité des récits traitant de l’exil et des « crises migratoires » dans la littérature haïtienne ultra contemporaine en vue d’explorer la politique de la fiction confrontée aux enjeux géopolitiques du monde contemporain. Éditrice, nouvelliste et critique littéraire, elle est l’auteure de nombreux articles parus dans des revues dont « Crise des migrants » et scènes de l’exil : questionner la fiction-monde à partir de Mur Méditerranée de Louis-Philippe Dalembert (Interculturel Francophonies, no 46, 2024).
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[1] Titre du 25e numéro de la revue Communications publié en 1976 et dirigé par André Bejin et Edgard Morin dans lequel on trouve des articles pertinents sur la notion de crise élaborée par des chercheurs de plusieurs disciplines.
[2] Pierre Ansart, « Crise », in Dictionnaire de Sociologie, André Akoun et Pierre Ansart (sous la direction de), Paris, Le Robert/Seuil, 1999, pp. 122-123.
[3] Ibid., p. 122.
[4] Edgar Morin, « Pour une crisologie », Communications, no 25, 1976, p. 149. Consulté le 30 janvier 2023. <https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1976_num_25_1_1388>.