Où va la littérature haïtienne aujourd’hui ? Qu’adviendra-t-il d’elle après la génération Trouillot et Cie ? Difficile d’apporter une réponse stricte à ces questions. Nuancée, oui. Puisqu’on ne peut pas être totalement optimiste. L’avenir étant très sombre. Nous nageons dans une médiocrité sans précédent. De nos jours, le métier d’écrivain devient une banalité. Un propos vide de sens et d’essence. On est dans ce pays où n’importe qui peut se lever un beau matin, et s’attribuer le titre de poète, romancier et qui pis est, critique littéraire. J’ai été surpris la semaine dernière de lire sur la toile les propos d’un gamin n’ayant même pas encore un bac+2 qui se dit critique littéraire. Ou ce jeunot, grande gueule de surcroit, n’ayant même pas encore publié une phrase (simple) dans les colonnes d’un journal qui se fait passer pour tel. Mais comment devient-on critique littéraire dans ce pays, bordel ?
Que ne verra-t-on pas ici. L’on fait tellement dans la facilité que finalement la médiocrité finit par avoir droit de cité. Pauvre Manigat qui disait toujours « qu’il faut une capacité de combat contre la médiocrité [de peur] qu’ [elle] ne donne le ton à ce pays ».
Haïti, aime-t-on répéter, est une terre d’artistes. D’écrivains, ai-je entendu dire (récemment) un présentateur d’émissions culturelles sur qui pèse un doute considérable, savoir s’il a lu au moins un seul livre dans sa vie. Les clichés nous tuent. Il vaut mieux prendre son parti (car on ne reviendra pas en arrière) [contre] cette curieuse « plébicisation » de la chose littéraire. Non pas que la littérature doit demeurer l’affaire d’un petit groupe –elle a toujours été élitiste- mais que sa démocratisation se fasse selon les règles de l’art. En dehors de toute démarche utilitariste.
Il ne faut pas oublier qu’avant tout c’est avec des mots qu’on fait de la littérature. Et que « les mots ne sont pas d’abord des objets mais des désignations d’objets » (Sartre). Combien de ces écrivains, critiques (imposteurs) se sont demandé s’ils sont « essentiels par rapport au monde » (Sartre) ? Peut-il exister un pays uniquement avec des écrivains ? Non. Platon ne pensait-il pas que, dans la cité, chacun devrait exercer les tâches qui lui convenaient en fonction de sa nature (La République, V) ?
Et si la littérature (haïtienne) deviendrait une « boîte de Pandore » ?
Dieulermesson Petit Frère